Écrire un livre au 21ᵉ siècle
On l’appelle parfois « Mr Coworking » : Edouard Cambier, entrepreneur et président de la Belgian Workspace Association (BWA), a signé en 2021 « Work’n Roll », un livre qui envisage l’avenir des bureaux à l’heure du télétravail. Mais pourquoi écrire un livre, alors que la lecture est en recul et que les médias se numérisent ?
« D’abord, je n’ai pas écrit un livre », entame Edouard Cambier. « Du moins, pas tout seul. J’ai participé à un travail collaboratif, avec des coauteurs et des experts, bien plus doués que moi chacun dans leur domaine, et nous avons réfléchi ensemble à une problématique que je connais bien, qui est celle des espaces de travail. Je l’ai fait en pleine crise du covid parce qu’on était tous consignés à la maison, qu’on passait trop de temps à se chamailler sur les réseaux sociaux et que j’ai préféré consacrer mon énergie à un projet plus positif. »
« J’avais envie de faire ce bouquin parce que c’était d’actualité et que c’était le bon moment pour moi : il me semblait avoir fait suffisamment de bêtises dans le monde du coworking pour savoir de quoi je parlais, savoir ce qui marche ou pas… »
Le livre, au centre du mix média
Mais pourquoi choisir le support papier ? « D’une part, on a connu une vraie pollution numérique – pendant la pandémie, selon l’IBPT, le volume de data a été multiplié par cinq ! Il me semblait qu’un bouquin aurait plus de visibilité qu’un énième site web, une énième newsletter. Donc, on a opté pour un beau livre, sur du bon papier, chez un bon imprimeur. D’autre part, je ne l’ai jamais considéré uniquement comme un livre ‘papier’, mais comme l’élément d’un mix qui comprend aussi une plateforme web et une version en ligne sur Amazon. »
C’est l’association de ces trois supports qui est puissante, explique Edouard Cambier : « Le livre est comme une carte de visite ; quand je suis invité quelque part, comme c’était le cas récemment sur un plateau de télévision, j’en prends quelques exemplaires que je distribue, parfois avec une dédicace – un objet physique, c’est autre chose qu’un lien vers un PDF. La version Amazon a le mérite d’exister, mais ce n’est pas la même qualité. Le ‘vrai’ livre est encore disponible dans quelques bonnes librairies mais, quand il sera épuisé – on n’en est pas loin –, il y aura encore moyen de commander un tirage Amazon. Quant à la plateforme web, elle est enrichie d’autres contenus et elle a l’avantage de pouvoir encore être actualisée tous les jours avec du matériel Flipboard ou Pinterest. »
Un outil de personal branding
Un an plus tard, le projet Work’n Roll suit donc toujours son chemin. Sur un plan personnel, Edouard Cambier en a fait un élément de « personal branding » : « Ça m’a certainement donné un peu de visibilité. J’ai eu un peu de presse, j’ai rencontré beaucoup de gens. Je ne dirais pas que ça m’a donné de la crédibilité, parce que j’en avais déjà dans mon domaine, mais ça l’a renforcée. Avoir son nom sur un livre, c’est peut-être ce petit élément supplémentaire qui vous permet d’entrer sur les plateaux de télévision et de radio. »
« Aujourd’hui, ce bouquin me donne toujours beaucoup de plaisir parce que je continue à en parler – et à parler de tout ce qui n’y est pas, dans un secteur qui bouge très vite. Il me vaut encore quasiment une interview par semaine, parfois dans des médias un peu confidentiels ou avec des écoles, où je passe beaucoup de temps, mais c’est très agréable. »
Et s’il y avait un conseil à donner à ceux qui envisagent un tel projet ? « Ce serait d’abord de bien réfléchir. Il faut être conscient que ce ne sera pas rentable ; écrire un livre de niche qui se vendra dans les librairies et qui permettra de se payer, en Belgique, c’est compliqué. Donc il faut un peu de budget. Il faut bien choisir l’angle d’attaque, bien se positionner dans un segment où on a déjà de l’autorité – ce n’est pas le livre qui vous donne de l’autorité, c’est l’autorité qui vous permet de publier le livre. Il faut penser à un bel objet qui puisse rester sur une table de salon, donc il faut prendre un peu de temps avec des professionnels pour choisir le format, le papier, la typo… Et puis je dirais aussi, si possible, impliquer des gens qui ont du réseau et qui savent communiquer, comme on l’a fait avec Amid Faljaoui, le directeur de Trends-Tendances, qui nous a écrit la préface. »
À refaire ? « Oui, mais pas tout de suite ! », conclut-il dans un grand sourire.