(Photo : Hans Peter Gauster/Unsplash
Qui n’a jamais tenté de s’attaquer à un « 1.500 pièces » ? Que ce soit pour relever le défi, pour oublier le stress, pour le plaisir ou pour passer le temps, assembler un puzzle reste un « classique » des loisirs, accessible à tous et à tout âge.
S’absorber dans la résolution d’un puzzle, c’est s’accorder un moment de détente qui est aussi un moment de concentration, en déconnexion totale du quotidien. C’est à la fois un exercice intellectuel et un excellent remède contre le stress. Pas étonnant que la reine Elisabeth II en ait été une fervente adepte, ce qui lui fait au moins un point commun avec Bill Gates ou avec l’écrivain Stephen King !
À l’origine, un objet pédagogique
L’invention du puzzle serait due à un cartographe et graveur britannique, John Spilsbury, qui l’avait imaginé comme un outil pédagogique pour apprendre la géographie aux enfants : dans les années 1760, il se mit à commercialiser des « cartes disséquées » (« dissected maps »), peintes ou collées sur un support en bois et découpées suivant les frontières des pays, qu’il fallait ensuite réunir. Le jeu ne prit qu’un peu plus tard le nom de « puzzle ». Emprunté à l’anglais, le mot désigne une « énigme » ou un « casse-tête » et semble confirmer l’origine britannique de l’objet, même si celle-ci a été contestée par certains experts, qui situent sa naissance aux Pays-Bas, en Allemagne ou même aux États-Unis.
On pourrait objecter que le puzzle a des ancêtres bien antérieurs : l’art d’assembler une image à partir de fragments colorés évoque aussi bien la mosaïque de l’Antiquité que le vitrail du Moyen Âge – mais ceux-ci n’avaient pas vocation à être disloqués et réassemblés pour le plaisir !
Ces premiers puzzles étaient très différents de ceux que nous connaissons : au début, les pièces se juxtaposaient sans interconnexion – ce qui signifie qu’un courant d’air ou une maladresse pouvait suffire à les éparpiller. Et la plupart étaient fournis sans modèle de l’image à reproduire, ce qui ajoutait à la difficulté.
Les années 30, la fièvre du puzzle
Longtemps, le puzzle resta destiné aux enfants et marqué par son caractère éducatif. Les premiers modèles ludiques et les modèles pour adultes n’apparurent qu’à la fin du 19e siècle. Le puzzle de cette époque restait cependant un objet de luxe. Il ne se popularisa que dans les années 1930, quand les progrès techniques permirent d’en abaisser le coût et de le produire en masse. Le bois ou le contreplaqué sont alors remplacés par le carton, moins cher et plus facile à découper ; plus besoin d’un fastidieux travail de sciage : il suffit d’un passage sous presse avec un emporte-pièce, et le tour est joué. Par la même occasion, l’emporte-pièce facilite les découpes variées et compliquées : le puzzle moderne est né.
Il va faire fureur dans le contexte de la Grande Dépression qui frappe les pays industrialisés : le puzzle ne coûte pas cher et permet de meubler agréablement de longues soirées à la maison, seul ou en famille, quand il devient trop coûteux d’aller au cinéma ou au restaurant – pour moins cher encore, il est même possible d’en louer. Curieusement, à près d’un siècle d’intervalle mais pour d’autres raisons, le puzzle a connu un regain d’intérêt récent, lors des confinements dus à la pandémie de covid-19.
Toujours dans les années 30, le puzzle devient un objet promotionnel pour les marques, qui en offrent à l’achat d’autres articles ou en font un cadeau de fidélité. Le puzzle fait même l’objet de publications spécialisées. Avec le perfectionnement des techniques lithographiques, qui permettent de reproduire des images en couleur de bonne qualité et en grandes quantités, le puzzle se diversifie : les motifs vont des paysages aux scènes de genre, en passant par l’évocation de grands événements ou de monuments célèbres. Après-guerre, les reproductions de peintures ou de dessins seront rejointes par la photo, en plein essor.
500.000 pièces, un record !
Pour répondre à la demande des adeptes, les fabricants imaginent des puzzles toujours plus difficiles : de quelques centaines de pièces, les puzzles pour adultes passent à plusieurs milliers. Aujourd’hui, les modèles courants vont jusqu’à 5.000 pièces, mais le plus grand puzzle commercialement disponible (Travel around Art, créé par Grafika) atteint les 54.000 pièces, pour une surface de 8,64 x 2,04 m ! Le record du monde, selon le Guinness Book, est détenu par une université vietnamienne avec plus de 500.000 pièces (il s’agissait en fait d’une combinaison de plus de 3.000 puzzles).
De passe-temps, le puzzle est devenu une discipline de compétition, avec sa fédération internationale et ses tournois (individuels, par paires ou par équipes). Le titre mondial est actuellement détenu par un Espagnol, Alejandro Clemente Léon, qui le remettra en jeu cet automne à Barcelone.
À travers les époques, les puzzles n’ont cessé d’évoluer. Depuis une trentaine d’années, on a vu apparaître des modèles 3D reproduisant par exemple le globe terrestre, la lune, un bâtiment ou toutes sortes d’objets. Du côté « classique », les modèles ludiques se sont mis à l’heure de la fiction avec de nombreux puzzles sous licence, des Pokémon à Harry Potter. Grâce à l’impression numérique et à la découpe laser, les petites séries se multiplient, avec des motifs toujours plus originaux et fun. Il est même possible de commander des puzzles personnalisés, reproduisant, au choix, votre paysage favori ou la photo de votre animal de compagnie…
En 2023, le puzzle est toujours aussi cool. Il reste un produit graphique indémodable.