L’exercice démocratique, celui des élections, est indissociable des campagnes électorales, donc des imprimés : affiches, tracts, mailings, brochures, toutes-boîtes… À chaque scrutin, un large éventail de travaux graphiques est mobilisé par les partis politiques et leurs candidats. Même à l’heure des réseaux sociaux, l’imprimé électoral reste indispensable dans le « mix » de communication.
Depuis qu’il existe un corps électoral assez nombreux, participant à un suffrage libre et pluraliste, il a été nécessaire pour les candidats de se faire connaître et de faire connaître leurs idées – ce qui est souvent passé par l’imprimé. L’histoire de l’imprimé électoral n’est cependant pas si longue : deux siècles à peine. Bien moins que l’histoire de l’imprimerie ou de la démocratie elle-même.
La longue route vers la démocratie représentative
Les origines de la démocratie sont généralement situées dans la Grèce antique, plus précisément à Athènes, au tournant du Ve siècle avant J.-C., où les citoyens se réunissaient pour voter les lois. Une forme de démocratie directe toutefois limitée, puisque seuls 10% des habitants environ y prenaient effectivement part ; les femmes, les esclaves et les étrangers notamment en étaient exclus.
Il faut ensuite attendre une petite quinzaine de siècles pour voir apparaître en Europe les premiers parlements représentatifs : l’Althing islandais, fondé en 930, en revendique la primauté. On pourrait également citer les Cortes du royaume de Léon, ouverts aux représentants élus par le peuple (en fait, par la bourgeoise), à partir de 1188 – sans oublier le Parlement d’Angleterre, institué en 1215.
S’il existe donc dès le Moyen-Âge des organes élus, la démocratie libérale telle que nous la connaissons (fondée sur la garantie des droits et libertés, la séparation des pouvoirs et l’organisation en partis politiques) n’émerge que progressivement. D’abord en Angleterre avec la Déclaration des Droits de 1689, qui renforce le rôle du Parlement et favorise l’émergence des partis, puis, un siècle plus tard, avec l’adoption de la Constitution américaine (1787) et la Révolution française (1789).
Les fondations sont posées. Toutefois, l’électorat est encore trop réduit pour justifier des campagnes électorales de masse. De manière générale, le droit de vote reste limité aux hommes et, parmi eux, aux plus fortunés ou aux plus éduqués. Ainsi en Belgique, avant les réformes de 1893, on compte à peine 140.000 électeurs pour 6 millions d’habitants… À quoi servirait-il de coller des affiches ou distribuer des tracts si ceux qui les lisent ne peuvent voter ? La propagande électorale (on ne parle pas encore de « communication ») passe plutôt par l’organisation de réunions ou par les journaux.
Premières campagnes de masse
C’est aux États-Unis que l’on trouve les premiers exemples de campagnes de masse : confrontés à l’étendue du territoire et au nombre important d’électeurs, surtout lors des élections présidentielles, les candidats doivent trouver de nouveaux moyens d’atteindre leur public. Rapidement, les imprimeurs réalisent qu’il y a là une opportunité commerciale et proposent leurs services pour réaliser affiches et tracts.
John Quincy Adams, élu président en 1824, aurait été le premier à faire largement usage de l’imprimé électoral. Le slogan n’est pas encore de mise. Les affiches de cette époque sont avant tout le moyen de faire connaître le nom du candidat et son programme : elles comportent surtout, voire exclusivement du texte ; plus rarement un portrait, qui est alors imprimé à partir d’une gravure – la photographie n’est pas encore inventée. En fonction des techniques de l’époque – lithographie et typographie – elles sont presque toujours en noir et blanc.
La force de l’image
Parmi les successeurs d’Adams, Abraham Lincoln, qui accède à la présidence en 1860, est l’un des premiers à se faire photographier. Lui aussi fait abondamment usage de l’affiche, où l’on commence à voir apparaître la couleur. Ses adversaires en viennent à s’en plaindre : on voit le visage de Lincoln partout !
En France, on peut sans doute considérer Louis-Napoléon Bonaparte comme le pionnier de l’imprimé électoral. En 1848, le futur Napoléon III se présente aux élections présidentielles – les premières à être organisées au suffrage direct. Très au fait des méthodes de campagne américaines, il recourt abondamment aux imprimés électoraux : il mobilise une véritable armée de colleurs d’affiches, distributeurs de tracts et d’images d’Epinal. Il fait aussi imprimer des brochures, n’hésitant pas à s’appuyer sur la nostalgie impériale et sur le prestige de son oncle pour convaincre l’électorat populaire – et remporter l’élection.
Un autre rôle pour l’imprimé électoral
L’imprimé électoral prend son véritable essor dans les dernières décennies du XIXe siècle, alors que, dans de nombreux pays, les réformes ont notablement élargi la base des électeurs. De plus en plus, l’imprimé s’impose comme le meilleur moyen de s’adresser à eux.
L’affiche électorale évolue au rythme des techniques d’impression. L’émergence de l’offset, à partir des années 1950, en abaisse le coût tout en facilitant la reproduction des images et des couleurs. Dans le même temps, les campagnes électorales s’emparent de nouveaux canaux : la radio d’abord ; la télévision ensuite.
Aujourd’hui, c’est sur internet et sur les réseaux sociaux que se décline la communication électorale. L’imprimé électoral n’a pas disparu pour autant. Les médias électroniques ne l’ont pas remplacé, pas plus qu’ils n’ont remplacé la radio ou la télévision ; pas plus que l’affiche n’a remplacé le meeting. Chacun de ces médias représente un autre moyen d’atteindre l’électeur, ou d’atteindre différents électeurs ; les candidats ne peuvent en négliger aucun.
Dans ce paysage, la place de l’imprimé, et surtout de l’affiche, a changé : son rôle n’est plus d’exposer un programme, ni même de diffuser un message ou une image élaborés, mais plus simplement d’affirmer une présence dans l’espace public, de rappeler un slogan, le nom d’un candidat ou les couleurs d’un parti.